- Auteur : Thomas Gueller
Joseph Helfrich : « Nous avons besoin de vins plaisir »
Premier exportateur de vins tranquilles français avec plus de 20% de PDM en volume et 1er opérateur européen, Joseph Helfrich, dirigeant-fondateur des Grands Chais de France, milite de longue date pour la modification du cahier des charges du bordeaux claret afin de disposer d’un vin adapté à la demande internationale et arrêter ainsi la chute de consommation des vins de Bordeaux.
Comment analysez-vous la crise viticole actuelle ?
Joseph Helfrich : Le vignoble français actuellement en difficulté est le Bordelais car sa production est à 90% constituée de vins rouges, et ses difficultés se répercutent sur les autres régions viticoles productrices de vins rouges, la vallée du Rhône et le Languedoc, qui doivent s’aligner sur des cours trop bas. Par un effet domino, l’ensemble de la filière s’avère ainsi fragilisé
Comment résoudre cette crise bordelaise ?
J.H. : Plutôt que de financer de l’arrachage, je préfère que l’on finance une adaptation de sa production à la demande mondiale. Parmi les alternatives à son offre actuelle, il y a le futur bordeaux claret, un rouge rond avec moins d’alcool. Cela fait près de vingt ans que je réclame la possibilité de stopper la fermentation avant cette limite des 2 grammes de sucre/litre imposée aux AOC. Nous savons le faire pour les bordeaux blancs demi-secs et pour les cabernets d’Anjou, des vins qui trouvent aujourd’hui leurs consommateurs.
Nous devrions nous inspirer de la législation allemande sur les vins d’appellation, qui autorise à sulfiter une partie de leurs jus pour les incorporer après désulfitage afin d’obtenir des vins plus légers et mieux séduire les consommateurs. Les vins et les jus proviennent des mêmes vignes d’appellation et pas de moûts concentrés importés.
Confirmez-vous qu’il existe une demande pour de tels vins ?
J.H. : Les consommateurs habituels de vin disparaissent, il faut donc chercher les nouveaux consommateurs avec des vins plaisir. C’est pour cela que les pays-d’oc résistent mieux que les vins d’appellation arc-boutés sur des codes qui, pour certains, ne répondent plus à la demande. Aujourd’hui, une teneur élevée en alcool est perçue négativement. Laissez-nous stopper la fermentation pour gagner en finesse, en fruit et en rondeur. Sans compter que nous répondrions aussi à une demande sociétale pour des boissons moins alcoolisées.