- Auteur : Thomas Gueller
La Cave de Cdiscount en hausse avant même le Black Friday
Interview exclusive de Pierre-Louis Bodin, directeur développement vins, spiritueux et PGC de Cdiscount, filiale du groupe Casino et considéré comme le premier e‑commerçant de V&S en volume.
Votre activité souffre-t-elle de la déconsommation des V&S ?
Pierre-Louis Bodin : L’activité de La Cave de Cdiscount progresse fortement depuis le début d’année avec, au 20 novembre, une hausse en volume de 7% de nos ventes de vins tranquilles, de 2% en vins effervescents et de 25% en spiritueux. Les résultats annuels dépendront de la Black Friday Week et de la fin d’année, qui pèsent pour 15 à 20% de notre activité. Au vu des résultats de notre foire aux vins d’automne, qui génère de 10 à 15% du CA et qui a été très bonne, je suis serein. Ce dynamisme a deux origines selon moi. Premièrement, depuis octobre 2024, Cdiscount communique fortement en radio, à la télé et en affichage, ce qui a induit une hausse du trafic sur le site, dont profite La Cave. Ensuite, depuis début 2025, nous avons fortement augmenté le nombre de références de vins et de spiritueux, qui sont passés de 1 500 à 2 000 afin de répondre à tous les besoins des consommateurs.
Comment expliquez-vous cette surperformance des spiritueux ?
P.-L. B. : Nous avons profité de la reprise en main de leur distribution par plusieurs groupes de spiritueux, dont Diageo, pour étendre notre offre. Tous ces groupes veulent travailler avec l’e-commerce et cela nous permet de proposer des marques dédiées aussi bien au réseau GMS qu’au circuit traditionnel. Il y a aussi eu des opportunités d’achat liées au changement de distributeur de plusieurs marques, que nous avons pu saisir car nous avons la capacité d’acheter rapidement des gros volumes. Le poids des spiritueux est ainsi passé de 15% de nos ventes en début d’année à 18-20% aujourd’hui, avec un panier moyen en hausse de 8%. Les rhums font la course en tête, suivis de près par les whiskies. J’explique cela par le profil de nos clients, majoritairement dans la tranche des 35-55 ans. Autre différence par rapport à la GD, nos ventes d’anisés sont très faibles. À l’inverse, nous vendons beaucoup de spiritueux pointus ou difficiles à trouver, comme la Chartreuse. Nous vendons ainsi beaucoup de Pimm’s et de Vieille Prune. Quant au gin, dont nous avions multiplié les références, il n’a pas trouvé son public. J’ai la même sensation pour l’instant avec notre offre de tequila et de mezcal.
Avez-vous une explication concernant la hausse de vos ventes de vins ?
P.-L. B. : Les grands crus bordelais sont en progression. Il y a eu un vrai effet « prix » lors de la foire aux vins d’automne, lorsque nous avons pu saisir – puis proposer – des offres attractives comme des seconds vins à moins de 20 €. Il n’y a pas de désamour pour les grands bordeaux : dès que l’on revient à des prix cohérents, les ventes rebondissent fortement. L’e-commerce est un circuit de vente de marques et de vins de garde, ce qui explique que les vins rouges sont toujours largement majoritaires dans nos ventes, suivis des vins blancs, puis des vins rosés – qui ont été un peu décevants cette année.
Le phénomène « prix » est moins perceptible pour les champagnes car les maisons ont la capacité de conserver leur stock. Néanmoins, on constate une augmentation du niveau promotionnel. Après une période où les promotions se cantonnaient dans la fourchette 10 à 15%, on retrouve des offres à 20 ou même 25% de remise. Maintenant, tout dépendra du prix d’achat du raisin. S’il ne baisse pas cette année, le regain sera difficile.
D’autres catégories sont-elles en développement ?
P.-L. B. : Nous assistons à un fort développement de nos ventes de sans-alcool dont nous proposons aujourd’hui une centaine de références cumulées de bières, vins et spiritueux. Je pense que la largeur de cette offre est un atout vis-à-vis des acheteurs de sans-alcool, qui ne trouvent pas l’équivalent en GMS ou alors de façon trop éclatée dans différents rayons. Et je pense que l’on ne va pas spontanément chez un caviste pour se fournir en sans-alcool.
À quoi faut-il s’attendre pour 2026 ?
P.-L. B. : Nous poursuivrons notre politique de développement de l’offre avec l’objectif de passer de 2 000 à 2 400 références en stock.
De par notre implantation historique à Bordeaux, nous avons toujours eu une belle gamme de vins de cette région, qui représente encore 48% de notre offre. Il y a du potentiel de croissance à chercher en proposant plus de vins de Bourgogne, de la vallée du Rhône et du Languedoc. Notre gamme a déjà progressé cette année en vins de la vallée de la Loire, mais elle reste à compléter en vins du Centre-Loire. À l’inverse, en vins effervescents, nous avons déjà quasiment toutes les marques de champagne.
Du côté des spiritueux, il reste quelques groupes à convaincre. Même sans eux, nous allons continuer à croître, forts de notre capacité à tester toutes les offres. Les avis clients permettent de savoir très rapidement si un produit plaît en goût et s’il est bien positionné en prix.
Le modèle Cdiscount
Filiale d’un groupe coté en Bourse, Cdiscount est tenu de taire ses chiffres. Néanmoins, Pierre-Louis Bodin en dévoile quelques-uns : les spiritueux génèrent de 18 à 20% du CA avec un panier moyen de 1 à 1,5 col par référence dans une commande, volume qui peut monter à 2 références en cas de vente par lot ; les champagnes génèrent 25 à 30% du CA et les vins tranquilles 50 à 55%, avec 6 à 10 bouteilles par commande. « Nous vendons énormément en zone rurale et dans les petites villes, et, paradoxalement, moins dans les grandes villes. Néanmoins, avec des frais de livraison offerts dès 9,99 € de commande pour les titulaires d’une carte – qui représentent les deux tiers de nos acheteurs –, nous sommes pour eux une véritable cave déportée. » Pour rappel, il est possible de se faire livrer à l’unité le jour même dans huit villes françaises en cas de commande avant 11 h, ou en 24 heures partout ailleurs.
Les opérations commerciales
Si le Black Friday, devenu Black Friday Week, puis Black Friday Month, est incontournable pour un e-commerçant, La Cave Cdiscount organise également des foires aux vins d’automne et de printemps, deux foires aux spiritueux, des promotions sur les vins rosés, d’avril à septembre à raison d’une par mois, une opération sans-alcool et une Fête des bulles qui débutera cette année le 2 décembre. « Concernant les ventes de champagne, on constate un resserrement de plus en plus fort sur trois semaines en fin d’année, sur les promotions de la Black Friday Week et de la Fête des bulles », constate Pierre-Louis Bodin. La Black Friday Week de cette année propose par exemple le champagne R de Ruinart à 49,90 €.